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INTRODUCTION AUX TEXTES DE SERGE CORDIER

Les travaux théoriques de Serge Cordier sur le tempérament et la justesse représentent une somme considérable, sans équivalente, en tout cas à notre époque . Ces recherches on toujours suivi une direction analytique : Serge Cordier théoricien, acousticien des hauteurs, était aussi un excellent musicien , et un accordeur au plus haut niveau – ce sont d'ailleurs ces compétences réunies qui sans doute lui ont permis la découverte du Tempérament Égal à Quintes Justes (T.E.Q.J.). Travaux analytiques donc, car Cordier théoricien a toujours travaillé dans un sens : l'analyse de la pratique, celle des accordeurs et des musiciens. Ainsi il a découvert son nouveau tempérament « sous la clé d'accord » des meilleurs praticiens (et d'abord avec son propre maître accordeur Simon Debonne), avant de le reconnaître « sous l'archet » des musiciens de l'orchestre - ce qui en fait une découverte vraiment extraordinaire.

On sait que les musiciens sont souvent effrayés par les théories de la justesse, et d'abord par leur nombre... c'est sans doute parce que trop de théoriciens, oubliant la pratique musicale réelle, ont imaginé des théories, de toutes pièces pourrait-on dire, prétendant imposer aux musiciens la façon de jouer juste, avec des systèmes plus ou moins justifiés par des « vérités » mathématiques ou « naturelles ». Mais c'était oublier une composante absolument essentielle de la justesse : la justesse en effet est un phénomène « culturel », au moins en part très importante – et l'on peut dire en fait que les oreilles musiciennes se « forment » à une certaine justesse culturelle.

Rassurons donc les musiciens : les travaux théoriques de Serge Cordier, même s'il sont parfois nécessairement complexes, ne prétendent nullement imposer une justesse, mais à l'inverse ils analysent et « décrivent » la pratique intuitive de l'accord et de la justesse instrumentale. Ces analyses, décrivant un phénomène aux composantes esthétiques, ont d'ailleurs pu amener Serge Cordier à modifier ses opinions : ainsi il pensait initialement que la justesse de référence des musiciens était la justesse pythagoricienne (Voir « Conférences » - GAM 1974), mais a modifié ce point de vue par la suite ( Voir « Conférences », Le Chambon sur Lac 1991)

Dès 1972, date à laquelle il découvre et met au point son nouvel accord en quintes justes, Serge Cordier étaye son invention par un travail théorique sur le tempérament. Sa première conférence, en 1974, est donnée aux « GAM » (Groupe d'Acoustique Musicale, à l'université Paris VI), laboratoire de recherche dirigé par le grand acousticien Émile Leipp. On peut marquer là le début de la « première période » des travaux de Serge Cordier, où il va analyser et décrire en profondeur, et en perspective historique, le problème théorique du tempérament et ses nombreuses résolutions jusqu'à nos jours. C'est déjà là un travail unique de clarification, permettant enfin de comprendre les tenants et aboutissants de ce qui restait une énigme, du moins pour la très grande majorité des musiciens : pourquoi doit-on « tempérer » l'accord d'un clavier chromatique ? et comment le faire de manière satisfaisante ?

La découverte initiale de Cordier révèle déjà une incohérence manifeste : la théorie jusqu'alors admise pour l'accord des pianos n'est pas suivie par les accordeurs. Et l'aspect esthétique - forcément subjectif - du problème en rajoute à la complication générale, avec des empoignades dont sont friands les théoriciens et musicologues : il y a là effectivement de quoi s'effrayer, en cherchant à s'expliquer simplement le problème de la justesse. De plus, l'on risque d'abord de se décourager, en considérant une vérité jusqu'alors admise, selon laquelle la justesse d'un clavier ne saurait être « parfaite » (étant « tempérée ») comme le serait celle des instruments libres de leur hauteurs ; mais alors, si je suis violoniste, impossible de jouer vraiment juste avec un piano ? Une telle question trouve sa réponse dans les textes de Serge Cordier sur le tempérament, où il démontre que les instruments « libres » pratiquent intuitivement une justesse se référant à un tempérament égal à base de quintes justes, un tempérament que l'on peut appliquer au piano, ce que font intuitivement les meilleurs accordeurs...

graphecordier

 

Cette « première période » de recherches trouve son aboutissement dans la rédaction d'un livre, paru en 1982 : « Piano bien tempéré et Justesse orchestrale » . Cependant, poursuivant la direction analytique de ses travaux, Serge Cordier s'attaque alors à l'étude théorique d'un phénomène dont il mesurait déjà l'importance, dans sa pratique de l'accordage des pianos : il s'agit de l' « inharmonicité », en l'occurrence l'inharmonicité des cordes du piano, conséquence sur cet instrument de la grande tension et « raideur » des cordes. Déjà étudié dans ses causes par l'acousticien américain Young et par l'ingénieur allemand Klaus Fenner, ce phénomène d'inharmonicité, s'il est négligeable sur d'autres instruments comme le clavecin par exemple, produit des « distorsions » d'harmoniques au piano, dont les conséquences sont essentielles pour l'étude approfondie de l'accord.

Serge Cordier poursuit alors, de longues années durant, ses recherches sur l'inharmonicité et ses conséquences sur l'accord, à l'aide de moyens d'analyse électronique de plus en plus efficaces et précis . Le problème est d'une redoutable complexité, et malheureusement ce chercheur méticuleux et scrupuleux n'eut pas le temps d'aboutir aux conclusions qu'il recherchait : cette oeuvre demande donc à être reprise et achevée. Heureusement cette « deuxième période » de recherches est quand même marquée par des textes dont l'intérêt est déjà remarquable, en tout cas pour ceux qui ne seront pas rebutés par la complexité de ces études. Nous avons prévu de regrouper et publier ces textes à la page « Inharmonicité ».

Cependant ces deux « périodes » posent un problème, que l'on retrouve souvent dans la recherche scientifique, où des résultats sont souvent affinés et précisés par des travaux ultérieurs. Par exemple, la théorie de l'attraction universelle de Newton n'a pas été réduite à néant par les travaux d'Einstein, cependant elle est devenue, dans le cadre de la relativité générale, une approximation valable à une certaine échelle. C'est ainsi une « échelle » plus précise que Cordier a appliquée à sa propre découverte initiale, en étudiant les conséquences de l'inharmonicité sur l'accord des pianos. Là encore, décelant les différences constatées avec ses premiers calculs, c'est sa pratique d'accordeur qui a guidé son travail.

Mais cette découverte d'un nouvel accord ayant provoqué, comme il fallait s'y attendre, certaines réticences et critiques, certains ont pu dire que les travaux théoriques de Cordier n'étaient pas valables, que l'on ne pouvait les appliquer au piano, à cause de … l'inharmonicité ! Il faut donc bien replacer la « première période » dans son cadre théorique général, et bien répéter que Serge Cordier lui-même a ensuite longuement étudié cette inharmonicité en cause. Ce chercheur extrêmement scrupuleux ne souhaitait d'ailleurs pas que son livre « Piano bien tempéré et Justesse orchestrale » soit réédité, constatant que certains calculs n'étaient plus valables en tenant compte de ses travaux ultérieurs, et pouvaient provoquer des erreurs de réalisation de l'accord en quintes justes, tel qu'il le pratiquait lui-même et l'enseignait à ses élèves.

C'est là en effet un point crucial : la réalisation de l' « Accord Cordier » a été mise au point par son inventeur « à l'oreille », mais il n'eut pas le temps hélas, au point de vue de l'analyse fréquentielle, d'aboutir aux résultats qu'il projetait de déterminer exactement, résultats permettant de fixer très précisément la réalisation de ce tempérament. En attendant que ces résultats puissent être déterminés, la seule certitude sur l'exacte réalisation du T.E.Q.J. est la transmission qu'en a fait Serge Cordier lui-même à ses élèves. Il ne s'agit pas du tout là de vouloir garder jalousement l'invention de ce nouveau tempérament, que son auteur lui-même souhaitait faire connaître le plus largement possible. Mais il s'agit de prévenir les « contrefaçons », les erreurs de réalisation dans la pratique de cet accord, sachant en plus que le tempérament doit être adapté différemment selon les types de pianos – l'inharmonicité n'étant pas la même selon la taille des cordes.

Il faut donc bien insister, en présentant les textes de Serge Cordier, sur leur déroulement chronologique : les premiers d'entre eux ne prennent pas en compte les travaux ultérieurs concernant l'inharmonicité, un problème néanmoins crucial pour la bonne réalisation de l'accord des pianos. Que le lecteur n'en déduise pas pour autant que ces premiers textes sont à rejeter : au contraire ils sont du plus haut intérêt pour le musicien qui veut enfin avoir une explication cohérente et claire des problèmes concernant la justesse des instruments à clavier, enfin reliée à la justesse des autres instruments.

Nous espérons que pourront être dépassées ainsi les méfiances des musiciens pour l'analyse théorique de la justesse, et qu'une telle théorie trouve sa place de soutien efficace, initiatrice de qualité, au service d'une pratique exigeante : l'art d'accorder et de jouer juste.

 

       

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INTRODUCTION l TEXTES & CONFERENCES l TEMOIGNAGES l EXEMPLES MUSICAUX l INHARMONICITE l GLOSSAIRE l CONTACT Dessin : Henri Bouchicot